Forte amende pour les bateaux de croisière au fioul trop polluant

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La justice a frappé un coup en matière environnementale en s’attaquant pour la première fois aux pratiques des croisiéristes : une forte amende a été requise lundi à Marseille contre le géant américain Carnival, pour avoir enfreint les normes antipollution de l’air.

Devant le tribunal correctionnel, le procureur Franck Lagier a réclamé 100.000 euros d’amende à l’encontre d’Evans Hoyt, le capitaine américain du navire Azura, épinglé dans la cité phocéenne fin mars avec un fioul trop polluant, « dont 80.000 euros mis à la charge » de Carnival, leader mondial du secteur de la croisière.

Le jugement a été mis en délibéré au 26 novembre.

Lors d’une escale, des inspecteurs avaient découvert à bord de ce géant des mers de 300 mètres de long, qui peut accueillir jusqu’à 3.100 passagers et 1.250 membres d’équipage, un fioul dépassant les valeurs limite en soufre, mais moins onéreux.

Carnival, qui détient la marque P&O Cruises, « a souhaité économiser de l’argent au mépris des poumons de tout un chacun, dans un contexte de pollution majeure de l’air causée pour partie par les croisières » dans le premier port de France, qui mise beaucoup sur ce type de tourisme, a déclaré le procureur.

En embarquant à Barcelone 900 tonnes de fioul trop chargé en soufre, avant de mettre le cap sur Marseille, l’Azura a économisé environ 21.000 euros, a calculé le procureur. Un chiffre qu’il invite à multiplier par la centaine de navires de Carnival.

Le capitaine Evans Hoyt, un Américain de 58 ans qui ne s’est pas présenté à la barre, « savait pertinemment le caractère irrégulier du fioul », a souligné le magistrat, et Carnival « n’a pas souhaité faire application de la norme légale ».

« Des sommes très conséquentes en jeu »

« Le marché de la croisière est en pleine expansion, en particulier en Méditerranée, générant des nuisances toujours plus importantes », a souligné le procureur. « Le respect des normes internationales, européennes et internes n’en est que plus impératif ».

Ces normes ont été longuement évoquées à la barre : décidées sous l’impulsion de l’Europe en 2015, elles ont été appliquées de façon diverses selon le type de navire et selon les pays européens. Sur fond de concurrence acharnée pour accueillir les escales des géants des mers.

La compagnie n’a pas manqué d’attaquer la législation française et de pointer ce qu’elle considère comme un flou juridique. Les règles les plus strictes ne s’appliquent qu’à une partie des navires de croisières, en « service régulier », et pas à l’Azura, a plaidé en défense Me Bertrand Coste.

« Une compagnie de cette taille-là, gère tous ses achats de combustible à l’avance, avec un bureau entier dédié à ça » et ne pouvait pas ignorer les règles françaises, a balayé Stéphan Rousseau, le fonctionnaire qui a mené l’enquête.

« On est tombés de nues » en découvrant cette fraude de l’Azura, alors « qu’il y a une réelle pression sur la problématique de la qualité de l’air » dans les ports méditerranéens fréquentés par les croisiéristes, qui y sont nécessairement sensibilisés. Mais « des sommes très conséquentes sont en jeu », lorsqu’un armateur fait le plein, a-t-il souligné.

Les parties civiles, France Nature Environnement, Surfrider Foundation et la Ligue de protection des oiseaux ont demandé chacune 5.000 euros de dommages et intérêts, soulignant que les émissions polluantes des navires de croisière pouvaient être 1.500 fois supérieures à celles des véhicules particuliers.

Une situation qui pourrait bientôt s’améliorer : les valeurs limite de soufre pour la navigation vont être abaissées le 1er janvier 2020, divisées par trois pour les navires de croisière et par sept pour les autres, dans toutes les eaux françaises.

Bien loin toutefois des normes imposées dans les zones les plus protégées d’Europe, en mer Baltique ou en mer du Nord, où la limite est encore cinq fois plus basse.

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