Touché par les sanctions américaines contre l’Iran, le tourisme irakien se meurt

La ville de Najaf. © REUTERS

Réservations d’hôtels annulées, commerçants désoeuvrés et revenus des visas en berne: la ville sainte chiite irakienne de Najaf est touchée de plein fouet par les sanctions américaines contre l’Iran, car faute d’argent, les pèlerins iraniens l’ont désertée et mis à bas son économie.

Ici, derrière des murs recouverts de mosaïques colorées et sous des coupoles d’or se trouve le mausolée de l’imam Ali, gendre du prophète Mahomet et figure fondatrice de l’islam chiite, la religion dominante en République islamique d’Iran.

Chaque année, hors période du pèlerinage de l’Arbaïn, le plus important rassemblement chiite, un million et demi de musulmans viennent s’y recueillir.

Parmi eux, assure Saëb Abou Ghoneim, président de l’Union des hôteliers de Najaf, « plus de 85% sont Iraniens ».

Dans la ville située à 150 kilomètres au sud de Bagdad, tous les panneaux sont traduits en farsi, et dans les rues, c’est cette langue qui domine les conversations parmi les femmes entièrement couvertes de voiles noirs et les hommes qui déambulent à la recherche d’ombre pour échapper au soleil implacable.

Mais, cette année ce chiffre pourrait s’effondrer, comme le cours de la monnaie iranienne qui a perdu près des deux tiers de sa valeur en six mois.

– « Le rial ne vaut plus rien »

Farzad Reza Ali, lui, a réussi à payer son voyage jusqu’à Najaf. Pour cet Iranien au visage barré d’une imposante moustache, un badge de sa compagnie de voyage accroché autour du cou par un ruban aux couleurs du drapeau iranien, si ses compatriotes « ne viennent plus en Irak », c’est « parce que le rial ne vaut plus rien ».

Il y a une semaine, les Etats-Unis ont rétabli une première série de sanctions visant les transactions financières et les importations de matières premières de l’Iran. En novembre, d’autres sanctions affecteront les hydrocarbures et la Banque centrale.

Le rial dévisse depuis l’annonce par Washington de son intention de se retirer de l’accord nucléaire – chose faite en mai- et du rétablissement par conséquent des sanctions. Le 1er janvier 2018, il suffisait de 42.900 rials pour un dollar. Aujourd’hui, il en faut près de 120.000 sur le marché parallèle.

Or, pour traverser la frontière et se rendre en Irak, on doit se munir de billets verts, rappelle Mokdabandeh Mehrban, qui comme ses compatriotes s’est acquitté de 40 dollars pour obtenir un visa.

Et ces devises doivent être obtenus sur le marché parallèle, explique-t-il à l’AFP, le visage mangé par d’imposantes lunettes à monture noire. « Or le marché fluctue et il n’est pas soutenu par le gouvernement, donc il y a moins de pèlerins iraniens ».

En Irak, le tourisme est quasiment exclusivement religieux et se concentre à Najaf et à Kerbala, l’autre ville sainte chiite proche.

– Secteur important –

Les annulations de voyage des pèlerins iraniens pourraient avoir des conséquences dramatiques sur le secteur qui a représenté 544.500 emplois directs et indirects en 2017 et 3% du PIB, soient près de cinq milliards de dollars, selon le World Travel and Tourism Council.

L’effet s’est fait sentir sur la ville dès l’entrée en vigueur des sanctions, au moment même où elle se préparait à accueillir en août les pèlerins pour plusieurs fêtes religieuses.

« Beaucoup de réservations d’hôtel ont été annulées et le nombre de pèlerins à Najaf est très faible », assure M. Abou Ghoneim, qui dit ne pas disposer encore de statistiques exactes d’occupation des 285 hôtels.

A l’aéroport de Najaf, où chaque jour 35 vols relient les deux pays voisins, les départs ne se font plus que dans un sens quasiment. Aujourd’hui, selon des responsables, seuls douze vols sont assurés, de Najaf vers l’Iran, pour acheminer cette fois des pèlerins irakiens en partance pour les villes saintes iraniennes.

Pour contrer la tendance, « les prix ont été cassés, jusqu’à moins 50% parfois », déclare à l’AFP Youssef Abou Al-Tabouk, propriétaire de l’hôtel Al Balad al Amine à Najaf.

Mais les nuitées d’hôtels bradées et autres offres spéciales n’y font rien, explique cet Irakien de 85 ans, la tête recouverte d’un keffieh noir et blanc.

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