Yvan Bourgnon, aventurier de l’extrême

Yvan Bourgnon © Wikipedia

Doigts gelés, eau glacée, absence totale de civilisation et risque de chavirage élevé: Yvan Bourgnon s’aventure depuis un mois dans l’Arctique pour devenir le premier marin à se frayer un chemin dans le passage nord-ouest, baigné dans un décor exceptionnel. Retour sur cet aventurier qui n’a peur de rien, ou presque.

Seul sur son petit bateau de 6 m de long pour 4 m de large dépourvu de cabine de protection, le navigateur au gros grain de folie a projeté de rallier -idéalement en 45 jours- le Groenland en partant de l’Alaska, par le passage nord-ouest. Une voie encombrée par les glaces et encore jamais empruntée par un solitaire avec une voile pour seule compagne.

« C’est impressionnant le nombre de milliers de kilomètres sans voir une antenne, ni civilisation. Le silence est impressionnant, une baleine tu l’entends souffler à un km. Des cailloux démoniaques, une lumière de malade, des couchers de soleil rasant. C’est fou », raconte à l’AFP depuis son catamaran le marin suisse de 46 ans, parti de Nome (Alaska) le 13 juillet.

S’il a pu partir à la découverte de ce passage, c’est à cause de la fonte des glaces, conséquence du réchauffement climatique sur lequel il veut interpeller, tout comme sur la pollution des plastiques qui l’inquiète de plus en plus: « Il y a 20 ans, tu ne passais pas. Ce n’est pas bon signe pour la nature ».

Aventurier de l’extrême

Le challenge est à hauts risques pour celui qui se définit comme un aventurier en quête perpétuelle de situations inédites, excitantes et enrichissantes.

« Il y a des milliers d’îles, je suis obligé de naviguer à vue, le GPS n’est pas précis, il y a le froid, du brouillard. C’est très chaud, tu n’as pas le droit à une seule erreur, c’est un bateau qui se retourne comme une crêpe. Au moindre truc, je suis à l’envers et dans l’eau froide, j’ai une chance sur deux de m’en sortir », dit-il.

Le froid mais aussi de gros coups de vent qui virent en tempête ont surpris ce téméraire qui n’en est pourtant pas à son premier défi extrême. Durant 20 mois, d’octobre 2013 à juin 2015, il a fait le tour du monde sur ce même petit bateau, une embarcation non habitable. Il dort à la belle étoile, le romantisme en moins.

« J’ai les étoiles tous les jours sous les yeux mais je subis les intempéries, j’ai des paquets de mer au-dessus de moi en permanence. La température de l’eau est un vrai problème pour moi, l’eau est à 0 degré », explique-t-il.

Le souvenir de son frère

Avec ce « froid de gueux », Yvan Bourgnon a bien failli perdre deux doigts à la main gauche il y a quelques jours. Sur le qui-vive, il dort peu (il a appris à dormir pendant qu’il barrait!) et s’apprête à faire face à une nouvelle difficulté: le manque de nourriture. Il n’arrive toujours pas à pêcher les mérou et autres cabillauds sur lesquels il compte pour lui permettre de tenir jusqu’au bout.

Mais pas de quoi l’affoler, lui qui sait encore et toujours garder son sang-froid en toutes circonstances.

« Mais ça peut m’arriver, je pense que je peux basculer. Je pense à mon frère (Laurent Bourgnon), qui lui aussi était un vrai casse-cou. En 1996, il a cru qu’il allait y passer quand son bateau s’est retourné. Il m’a dit qu’il a eu la boule au ventre durant toute la Route du Rhum qu’il a gagnée après en 1998. Et il a arrêté la solitaire », se souvient-il.

Laurent Bourgnon a disparu lors d’une plongée en juin 2015.

« Je suis serein pour l’instant, mais peut-être qu’à l’issue de ce défi, je déciderai d’arrêter. Avoir perdu mon frère, être le seul enfant de la famille, avoir un enfant en bas âge, ça me responsabilise plus. Là, je suis dans la démarche de revenir à tout prix, il y a des gens qui attendent après moi », confie le marin, papa depuis le 12 juin d’un petit Tao, qu’il espère retrouver entre le 27 et le 30 août.

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