Le « shopping conscient »: acheter responsable tout en restant stylé

L'équipe de Pool © DR

Nous sommes de plus en plus nombreux à nous soucier des impacts de nos achats. On le sait, l’empreinte écologique de l’industrie textile et les conditions de travail dans les ateliers des pays du Sud, comme au Bangladesh, sont déplorables. Mais comment dépasser ce modèle de production tout en continuant à consommer?

Depuis des années, l’industrie textile et de l’habillement contribue à la pollution de la planète – exploitation de matières premières à grande échelle, pollution des eaux due aux produits utilisés, transport et surconsommation entraînant un gaspillage – et occasionne également de nombreux problèmes sociaux – conditions de travail non règlementaires, rémunération au rabais, dangerosité des infrastructures de production… . Si le gaspillage alimentaire fait aujourd’hui partie de la conscience collective, le gaspillage textile reste encore méconnu. Et pourtant, l’industrie textile se situe au 2e rang des activités économiques mondiales ayant le plus d’impact sur l’environnement (étude Carbon Trust de 2011).

Parallèlement, la valeur « fashion » d’un vêtement dure rarement plus d’une saison et, une fois la tendance passée, ce vêtement risque de ne plus revoir la lumière du jour. Nous sommes nombreux à remplir nos penderies d’habits que nous ne porterons que 3 ou 4 fois ou peut-être même… jamais. Mais comment est-il possible qu’un vêtement que nous avons choisi et acheté ne soit finalement jamais porté ? Parce qu’il est le résultat d’un achat compulsif et inutile.

Primark, l'un des leader de la fast fashion
Primark, l’un des leader de la fast fashion© REUTERS/Thomas Peter

La société est ancrée depuis longtemps déjà dans le modèle d’une mode jetable, la fameuse « fast fashion », promue par les grandes marques comme Zara, H&M, Primark, etc. Ces chaînes vendent et achètent à leurs sous-traitants à très bas prix, et se rattrapent sur le volume. À titre d’exemple, Zara lance de nouvelles collections tous les 15 jours et atteint une production de 12.000 nouveaux designs par an. L’attrait de la nouveauté et le marketing incitent le consommateur à acheter leurs produits inlassablement et sans modération. Une politique qui paie comme le prouve la place d’Amancio Ortega, patron de Zara (groupe Inditex) à la première place du classement des personnes les plus riches du monde.

Or il est évident que notre manière de consommer a forcément une influence sur le modèle de production des biens que nous achetons. Un acte de consommation est donc aussi un acte politique. En achetant un produit plutôt qu’un autre, mais surtout en exigeant des produits fabriqués de manière responsable, le consommateur a le pouvoir de promouvoir un autre modèle de société et pousser les entreprises à faire évoluer leurs pratiques de manière plus éthique.

Le « slow fashion » : consommer moins, pour consommer mieux

La première chose à faire est donc de se poser la question de ses besoins et résister au « fast fashion » marketing et aux pulsions d’achats inutiles qui en découlent.

C’est là qu’intervient la « slow fashion » qui nous incite à ralentir quelque peu notre rythme de consommation abusive devenu normalité. Elle propose des alternatives plus respectueuses pour l’homme et l’environnement tout en répondant à des normes aussi bien éthiques qu’écologiques. Les créateurs respectent des critères bien définis et veulent diminuer l’empreinte écologique de leur production : matière première écologique, bio ou recyclée, processus de fabrication nécessitant une moindre consommation d’eau, d’énergie et distance de transport. D’autres s’inquiètent plutôt des aspects sociaux : le respect des droits des travailleurs, des salaires décents, l’interdiction du travail des enfants, etc. C’est pourquoi la « slow fashion » doit être produite le plus localement possible : sur le continent ou dans le pays de son créateur, afin de privilégier l’emploi local.

Adieu les T-shirts à 5€

Au Paraguay, des travailleurs assemblent des habits dans l'usine de Texcin
Au Paraguay, des travailleurs assemblent des habits dans l’usine de Texcin© REUTERS/Jorge Adorno

Comme pour la nourriture, les petits prix sont en général mauvais signe. Les T-shirts à 5€ défient nécessairement les règles économiques. Ils s’inscrivent dans un certain modèle de production et sont nécessairement fabriqués au détriment de la main-d’oeuvre qui les confectionne. Ces entreprises font pression sur leurs moyens de production, c’est-à-dire le salaire et les conditions de travail des employés, pour pouvoir vendre leurs habits à plus bas prix. Il faut faire une croix sur ces vêtements au prix dérisoire, et privilégier les pièces de meilleure qualité, qui coûteront évidemment un peu plus cher, mais qui pourront se garder plus longtemps, et donc gagner en valeur.

Mais attention : le prix n’est pas le seul facteur à prendre en compte. Des chaînes moyennes à haut de gamme proposant des prix plus élevés, produisent elles aussi dans des conditions déplorables. D’où l’idée de privilégier de plus petites marques, indépendantes, dont les vêtements ont plus de chances d’être fabriqués dans de petits ateliers où les conditions de travail et d’approvisionnement sont meilleures.

Les circuits alternatifs, les marques et labels responsables

Labels Textiles
Labels Textiles© Label Fringue

S’il n’est pas toujours simple de résister à la pression de la mode dominante, il reste l’option d’un achat bien informé. Il existe en Belgique de nombreux labels, certifications bio et même sociales pour les textiles. Il n’est cependant pas toujours facile de s’y retrouver. Pour les vêtements socialement responsables, il y a par exemple Fair Wear Fondation et Label Social Belge. En ce qui concerne les labels bio et écologiques, on peut citer GOTS (Global Organic Textiles Standards), Biogarantie, Soil Association Organic Standard, EKO Sustainable Textile, Nature Textile, etc. Sans oublier les vêtements qui proviennent du commerce équitable, fabriqué et distribué par des organisations membres de la Fédération Mondiale du Commerce Equitable dont Oxfam-Magasin du monde en Belgique.

« We are what we wear »

Le consommateur s’engage et aime appartenir à une communauté. Les mentalités évoluent et le désir d’un retour à l’essentiel, à une production à plus petite échelle et à une consommation de mieux en mieux réfléchie et maîtrisée, grandit. Une aubaine pour un petit nombre d’entrepreneurs qui ont fait le pari d’une mode durable et responsable.

C’est le cas de Stephanie Fellen, une jeune liégeoise qui a lancé en 2013 une boutique en ligne dont le mot d’ordre est simple : être à la mode, mais acheter autrement. Elle a décidé de placer l’humain et l’environnement au centre de son projet qu’elle a baptisé Made&More. On y trouve une sélection d’habits et d’accessoires aux belles coupes et aux matières de qualité, mais surtout, dont elle a pris soin de contrôler l’origine. Les articles sont produits en Europe, dans des ateliers à dimension humaine par des créateurs connus et reconnus. Sur chaque article, une carte localise son lieu de fabrication.

Le
© Made & More

Plus récemment, adoptant une autre démarche, un nouvel acteur de la seconde main s’est installé à Bruxelles. Pool vise à redorer l’image du vêtement d’occasion en le remettant à neuf avant sa mise en vente. Par cette initiative, Marine De Waziers désire offrir aux gens la possibilité d’acheter des habits de seconde main et de ressentir le même plaisir qu’en achetant des habits neufs.

Only today! 23 place du châtelain. #popupshop #videdressing

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Quelques blogueuses se sont aussi lancées à la conquête du shopping responsable et donnent de nombreux conseils pour distinguer les marques éthiques et les autres. Voilà quelques adresses utiles pour se lancer : Happy New Green, The New Wardrobe, Happy Green. Des outils pour évaluer l’empreinte écologique d’une marque sont également mis à disposition : Rank a brand .

Il y a quelques années encore, le flou régnait sur la production textile et l’on pouvait se voiler la face sur ses impacts. Désormais, le voile est levé et le consommateur est conscient de ce qu’il porte et de ce que cela induit pour celui qui l’a produit, pour l’environnement. Libre à lui de se poser les bonnes questions – d’où viennent mes vêtements ? Comment sont-ils fabriqués ? – et de poser ses actes en conséquence. Une chose est désormais entendue : grâce à cette prise de conscience, nous pouvons désormais avancer vers une consommation plus responsable et les grandes marques répondent à cette demande, croissante. Que ce soit par souci d’image ou conscience éthique. En attendant, la « slow fashion » se démocratise, les collections s’étoffent, les styles se diversifient et ne touchent plus seulement la sensibilité et les goûts des bobos et/ou écolos.

Laurane BINDELLE

Le gaspillage textile en quelques chiffres effarants

8 milliards de vêtements sont fabriqués chaque année dans le monde (MyTwist)

70% de notre garde-robe n’est pas portée (MyTwist)

– L’empreinte écologique de la fabrication d’un jeans : dans le monde, le coton représente 2,5 % de la surface de la planète et 10 % des pesticides utilisés. Un jeans représente 1 kg de coton. Pour « cultiver ce jeans », 5.000 à 25.000 litres d’eau, 75 g de pesticides et 2 kg d’engrais chimiques sont nécessaires. Lors de son transport, 25 l de pétrole sont consommés et 2 kg de CO2 rejeté dans l’atmosphère (achAct 2011).

40 %des chaussures analysées importées du Bangladesh contiennent du chlore, du chrome 6 et d’autres substances très dangereuses et interdites en Europe (Elle)

2000 litres d’eau sont nécessaires pour produire un t-shirt vendu 5 € (Elle)

70 % des cours d’eau en Chine sont pollués par l’industrie textile (MyTwist)

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