Au Japon, le marché du luxe prospère malgré la crise, mais pour combien de temps ?

Le Japon se désole de ses décennies perdues, mais dans le quartier tokyoïte de Ginza, le luxe s’affiche sans complexe. Vuitton, Prada ou Chanel, les façades à l’architecture audacieuse se succèdent sur l’avenue principale, une des plus chères au monde.

C’est sur cette « Chuo-dori » que s’est ouvert jeudi un centre commercial haut de gamme, Ginza Six, aussitôt pris d’assaut par 2.500 accros au shopping. Il avait été inauguré en début de semaine par le Premier ministre Shinzo Abe et Bernard Arnault, PDG du groupe LVMH qui y exhibe dix marques dont Dior, Céline et Fendi, sur les 241 magasins de l’ensemble.

Film publié à cette occasion par la maison Dior sur YouTube

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Conçu par l’architecte japonais Yoshio Taniguchi, le flamboyant bâtiment, qui espère attirer 20 millions de personnes par an, symbolise la place toujours incontournable de Tokyo dans l’univers du luxe, malgré des années de stagnation économique.

Bâtiment signé Yoshio Taniguchi
Bâtiment signé Yoshio Taniguchi© AFP

Le Japon reste le deuxième marché au monde derrière les Etats-Unis avec une valeur estimée de 22 milliards d’euros en 2016, selon le cabinet Bain & Company, qui fait référence en la matière. Si l’heure n’est plus à une « consommation débridée », « on observe une tendance relativement correcte » ces dernières années, entre expansion modeste et « légère érosion », décrypte Joëlle de Montgolfier, directrice du pôle études et recherche. « Il ne faut pas oublier qu’une grande partie de la clientèle du luxe est au Japon, cela reste un marché stratégique pour le luxe, et je dirais, le vrai luxe », explique à l’AFP le PDG de Christian Dior Couture, Sidney Toledano, saluant « l’oeil, la sensibilité » des Japonais.

Dans l’archipel, Dior ne connaît pas la crise, les ventes sont attendues en croissance cette année, assure le responsable.

Les mannequins du défilé Dior Haute couture en plein repas, le 19 avril 2017
Les mannequins du défilé Dior Haute couture en plein repas, le 19 avril 2017© REUTERS

Chez Chanel aussi, on se dit à l’abri des remous économiques. « On n’a pas perdu notre aura, mais il y a effectivement des marques qui souffrent, celles qui ont à un moment donné arrêté d’investir au Japon car la Chine était le nouvel eldorado et aujourd’hui s’en mordent un peu les doigts », souligne Richard Collasse, PDG de la griffe au Japon.

Phénomène d’éviction

Le secteur a notamment profité de l’essor du nombre de visiteurs dans un pays qui veut accueillir 40 millions de touristes en 2020, année des Jeux Olympiques de Tokyo. Premiers d’entre eux, les Chinois étaient plus de 6 millions l’an dernier, contre 2,4 millions en 2014. « Historiquement, il s’agissait d’un marché très insulaire où 90 à 95% des achats étaient effectués par la population locale. Et puis il a été affecté par l’émergence du tourisme à telle enseigne que l’an dernier, 30% du chiffre d’affaires était généré » par des clients venus d’ailleurs, note Mme de Montgolfier.

Un flot pas toujours très bien perçu dans un univers feutré. « La clientèle japonaise fidèle a tendance à un peu fuir quand elle voit arriver des gens pas très bien élevés, habillés n’importe comment, qui s’étalent sur les sofas, touchent à tout », raconte M. Collasse.

Au Japon, le marché du luxe prospère malgré la crise, mais pour combien de temps ?
© BELGAIMAGE

Pour éviter de froisser ses habitués, Chanel tente de ne pas les mêler à la foule de touristes débarquant en cars et a mis en place deux services bien distincts dans certains espaces de vente des parfums et cosmétiques.

Dior a constaté le même « phénomène d’éviction ». Mais avec le renforcement du yen courant 2016, le flux s’est tari. M. Toledano y voit finalement « un creux » positif permettant de se davantage concentrer sur la cible japonaise. « Bien sûr on n’ignore pas les touristes, mais on n’est pas un opérateur de duty-free », insiste-t-il.

Derrière les sourires, se posent de nombreux défis, préviennent les experts. Outre le déclin démographique, « les jeunes générations n’attachent pas autant de valeur aux marques de luxe que leurs aînés », remarque Naoko Kuga, de l’institut de recherche NLI. Et puis elles raffolent « de nouveaux services »: pourquoi acheter de nouveaux produits quand on peut les louer en quelques clics sur internet?

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