Le whisky, nouvelle coqueluche des distillateurs alsaciens

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Kirsch, quetsche, mirabelle: les eaux-de-vie de fruits ont longtemps fait la réputation des alcools de l’est de la France, mais en Alsace, six distilleries historiques misent désormais sur le whisky.

« On avait toutes les cartes en main: les alambics, les fûts de chêne, l’eau des Vosges et le malt d’orge de la brasserie voisine. Il suffisait de se lancer », explique Jean Metzger, responsable du développement de la distillerie Bertrand à Uberach depuis 2001.

Sur les murs de cet établissement fondé en 1874, s’affichent des dizaines de récompenses obtenues au concours général agricole de Paris pour des eaux-de-vie de poire ou encore de vieille prune.

Rien, encore, pour l’eau-de-vie de malt d’Uberach, « mais on ne court plus après les médailles », assure le maitre des lieux depuis son chais, où environ 250 fûts de chênes français reposent, remplis du breuvage qui doit vieillir au moins 3 ans pour devenir whisky.

Cognac, Vallée du Rhône, banyuls, champagne: avant d’abriter les futurs whiskys de la distillerie Bertrand, vins et spiritueux variés ont imprimé les parois intérieures de chaque tonneau. Le Uberach Single Cask Jaune tient, par exemple, sa couleur or ambré d’un vieillissement en fût d’Arbois, un vin jaune du Jura.

Le secret de la barrique

« La qualité du produit fini repose principalement sur les propriétés de la barrique », souligne Jean Metzger, qui s’est donc affairé à dénicher des tonneaux hors normes chez ses confrères du monde du vin et de l’eau-de-vie.

Le whisky, nouvelle coqueluche des distillateurs alsaciens
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« Région viticole oblige, on a accès à d’excellents fûts. Nous étions les premiers à produire un whisky 100% alsacien avec une barrique qui venait de Husseren-les-châteaux » en Alsace, dit M. Metzger.

Le travail qui précède le vieillissement est assuré par un maître distillateur, Laurent Osswald. La matière première est achetée à la brasserie de la commune, « du malt d’orge bio, légèrement fumé, sans houblon », précise-t-il.

Après fermentation, il est distillé à deux reprises dans les petits alambics en cuivre de la maison Bertrand pour obtenir une eau-de-vie de malt légère et fruitée versée aux différents fûts pour qu’elle obtienne son caractère.

En 2006, le premier whisky d’Uberach, vineux, marqué par son vieillissement sous bois, a trouvé sa place dans la boutique de la maison Bertrand, entre les bouteilles de Poire williams et d’églantine. Des dizaines d’autres l’ont rejoint depuis.

« Aujourd’hui, un client sur trois achète du whisky », affirme Jean Metzger qui confie avoir « mis en pause » sa production d’eau-de-vie de fruits.

‘Un transfert de compétence’

« On peut parler d’un transfert de compétence réussie », déclare Philippe Jugé, directeur de la Fédération du Whisky de France.

Le whisky, nouvelle coqueluche des distillateurs alsaciens
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L’Alsace, à la fois « terre historique de brassage » et productrice d’alcools de fruits, « dont la distillation est très délicate », avait tout pour devenir « une région pionnière du whisky français » avec la Bretagne, ajoute-t-il.

Une dizaine de producteurs d’eaux-de-vie de fruits se sont lancés sur ce créneau en Alsace en même temps que la distillerie Bertrand.

« La demande et les ventes sont en progression constante », se réjouit Régis Syda, président du syndicat des distillateurs et liquoristes d’Alsace. « Les volumes de production sont loin d’atteindre ce qui peut se faire en Irlande ou en Écosse – on est dans l’artisanat – mais l’appellation whisky d’Alsace séduit, même à l’international », affirme-t-il.

Le whisky, nouvelle coqueluche des distillateurs alsaciens
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Depuis 2015, le territoire s’est doté d’une indication géographique (IG) pour mettre en avant son savoir-faire concernant ce spiritueux: le whisky d’Alsace doit être issu d’orge malté, concassé, brassé, distillé et vieilli dans la région; son édulcoration ou caramélisation n’est pas autorisée, contrairement à d’autres whiskys dans le monde.

Six distilleries alsaciennes respectent à la lettre cette procédure de fabrication contraignante, « gage de qualité utile pour rassurer les consommateurs », dit M. Metzger. Il affiche son optimisme quant à la capacité du whisky français à se faire une place auprès des géants japonais et écossais.

Avec deux distillateurs, un brasseur et un embouteilleur pour 1.200 habitants, le rôle d’Uberach -qui en alsacien signifie « au-delà de l’eau »- est tout trouvé, selon Jean Metzger.

« La commune pourrait devenir la capitale du whisky français », s’amuse-t-il. Le saint patron du village, Windelin, fils d’un roi d’Écosse, ne devrait pas s’y opposer.

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