Maquillage: des nouveautés aussi ludiques que bluffantes

Penser son maquillage comme un peintre sa toile. © Getty Images/iStockphoto

Crayons gros comme des pastels, palettes regard aux allures de boîte d’aquarelle, rouges à lèvres et fards à paupières façon tubes de gouache… Autant de preuves que le maquillage est devenu un hobby auquel s’adonnent des passionnées.

Sur son bureau, elle a aligné à côté d’un joli miroir ce qui ressemble à s’y méprendre aux feutres et aux pastels de son enfance, ceux-là mêmes qu’elle utilise encore pour customiser les carnets d’inspirations et les mandalas pour  » grands  » dont elle raffole.

Concealer Box, Make-Up Studio, 20,90 euros (disponible chez Planet Parfum).
Concealer Box, Make-Up Studio, 20,90 euros (disponible chez Planet Parfum). © GETTY IMAGES / SDP

Pourtant, il n’est pas question cette fois de coloriage, mais de maquillage. Elle a beau n’avoir que 16 ans et des poussières, elle en connaît déjà un rayon sur la question, les  » tutos  » sont passés par là pour décrypter le moindre geste et surtout dédramatiser l’exercice. C’est à cette jeune débutante du pinceau, mais pas seulement, que s’adressent ces nouveaux produits ludiques et créatifs qui n’ont rien à envier à la palette du peintre.

 » Aujourd’hui, le make-up est devenu fun, confirme Philippe Meysmans, hair & make-up designer pour L’Oréal Paris. Et très pro en même temps ! Les jeunes femmes qui aiment se maquiller en savent presque plus que les gens dont c’est le métier. Elles se sentent valorisées par ce savoir-faire qu’elles ont acquis par elles-mêmes. Elles n’ont pas peur de se  » tromper « , elles osent tout, des couleurs surtout, même complètement improbables il y a quelques années encore. C’est d’autant moins compliqué que les produits sont devenus  » accessibles  » dans les deux sens du terme : on en trouve pour chaque budget bien sûr, mais surtout ils sont aussi beaucoup plus faciles à appréhender. Les nouveaux packagings permettent de visualiser immédiatement la teinte. Et en termes d’application, c’est désormais un jeu d’enfant grâce à des textures plus instinctives qu’avant. « 

Palette lèvres, Anastasia Beverly Hills, 54,90 euros (en exclusivité chez Plant Parfum).
Palette lèvres, Anastasia Beverly Hills, 54,90 euros (en exclusivité chez Plant Parfum).© GETTY IMAGES / SDP
Phyto-Blush Twist, Sisley, 50,50 euros.
Phyto-Blush Twist, Sisley, 50,50 euros.© GETTY IMAGES / SDP

Chez Clinique, qui a lancé il y a quelques années la mode des gros crayons façon Crayola – début 2017, d’ailleurs, les deux marques se sont associées le temps d’une collab’ clin d’oeil -, c’est précisément cette facilité d’usage que l’on aime mettre en avant.  » Le secret des Chubby Sticks, c’est que l’on n’a même pas besoin de miroir, rappelle Aïsha Serifi, make-up artist chez Clinique Belgique. On hydrate et on colore en même temps les lèvres sans que ce soit jamais too much. On peut les utiliser aussi bien en retouches pendant la journée qu’en maquillage principal.  »

L’objet a, depuis, fait des petits, en interne d’abord, puisque les Chubby sont devenus une ligne à part entière comprenant une gamme pour les yeux et pour les joues, mais également chez d’autres acteurs du secteur, dont Sisley ou Bobbi Brown, qui proposent de leur côté leurs propres versions du pastel à maquiller.  » C’est un article qui séduit à tout âge mais qui plaît surtout aux très jeunes filles qui découvrent le rouge à lèvres « , ajoute Aïsha Serifi.

Fond de teint pinceau Light-Expert Click Brush, By Terry, 52 euros (disponible chez Cosmeticary).
Fond de teint pinceau Light-Expert Click Brush, By Terry, 52 euros (disponible chez Cosmeticary).© GETTY IMAGES / SDP

Pas intimidant pour un sou, il s’emporte partout et convainc par son design original. Un côté irrésistible que l’on retrouve par ailleurs dans le dernier-né collector de Dior, un petit tube nomade et intuitif dont les nuances métallisées, encapsulées dans une texture ultracrémeuse et hybride, s’affichent tant sur les lèvres que sur les paupières.

L’effet Magicolor

Le choix ne cesse de s’élargir grâce à l’essor de marques comme Kiko, Make Up For Ever, M.A.C, Urban Decay – voire les lignes beauté des géants de la fast fashion, H&M, Primark et plus récemment ASOS – qui développent à la fois des packagings  » mono  » que l’on accumule et des palettes comportant parfois des dizaines de coloris à la manière des boîtes d’aquarelles plébiscitées à l’école primaire.  » C’est l’effet Magicolor, ajoute Philippe Meysmans. Les jeunes filles ont toutes ces nuances devant elles, qui sont l’exact reflet de ce qu’elles obtiendront sur les lèvres ou sur les yeux lors de l’application, et n’ont plus qu’à se dire :  » Alors, qu’est-ce que je vais faire aujourd’hui ?  » En un rien de temps, elles peuvent même créer des effets de texture. C’est pensé pour être utilisable au doigt ou grâce à des applicateurs mousse intégrés. Les femmes actives ont pour leur part de moins en moins de temps pour se préparer : elles sont en demande de produits instinctifs, efficaces, faciles à vivre, avec lesquels il est quasiment impossible de se rater.  »

Crayon correcteur Studio Fix Perfecting Stick, M.A.C, 28 euros.
Crayon correcteur Studio Fix Perfecting Stick, M.A.C, 28 euros. © SDP

Paradoxe, cependant : alors qu’il n’est plus réellement nécessaire d’utiliser des primers ou des poudres pour faire tenir ces fards nouvelle génération, les produits dits  » make-up friendly « , venus des backstages de défilés et très techniques, connaissent également un vif succès auprès des plus jeunes, ainsi qu’en témoigne le lancement par Maybelline d’une nouvelle gamme de correcteurs de défauts aux allures de fluoteurs.

Même constat du côté des fonds de teint liquides vendus en tubes ou en bouteilles de plastique souple, qui offrent une couvrance maximale – on parle carrément, dans le milieu, d’effet Photoshop, car il s’agit bien ici de masquer les défauts au maximum, avant de poster son visage en gros plan sur les réseaux sociaux – et exigent souvent une application au pinceau. Là aussi, le marché, à tous les prix, est en pleine explosion.  » Je voulais mettre à la portée de chacune mes techniques de maquillage, justifie Lucia Pica, global creative designer pour le maquillage et la couleur chez Chanel. L’application devient facile et intuitive quand la qualité de la gestuelle est assurée.  »

Certains modèles sont même rétractables afin de se faire nomades et de faciliter les retouches. Plus abordable, le kit de pinceaux opportunément baptisé BE Artistic de la marque développée par Ici Paris XL, BE Creative Make-Up, a choisi le camp des défenseurs des pinceaux ovales, principalement plébiscités par celles qui rêvent d’un teint aussi parfait que possible, l’outil lui-même n’hésitant pas à prendre une place de choix dans le cadre carré de nombreux comptes Instagram.

3 questions à Tanguy De Ripainsel

managing directeur de Planet Parfum

Comment expliquez-vous le succès de ces nouveaux produits  » playful « , comme les appellent les professionnels ?

Maquillage: des nouveautés aussi ludiques que bluffantes
© SDP
On est passé en dix ans d’une approche très fonctionnaliste du maquillage à quelque chose de beaucoup plus créatif. Avant, ce qui comptait, c’était la promesse du produit, elle se devait d’être claire, le résultat devait correspondre aux attentes que l’on avait d’un mascara volumateur ou d’un lipstick sans transfert. C’est un peu comme si le maquillage était la propriété des techniciens et des ingénieurs. C’est aussi à cette époque-là que l’influence des make-up artists en backstage des défilés ou sur les shootings est devenue de plus en plus grande. Ils ont regardé les produits autrement : ils ne se gênaient pas pour les appliquer différemment et les mélanger pour obtenir un résultat intéressant.

Certains d’ailleurs n’ont pas hésité à créer leur propre marque. Est-ce cela aussi qui a bousculé le marché ?

Tout à fait. Des marques comme M.A.C, Benefit, Make Up For Ever sont devenues des géants du secteur, Anastasia Beverly Hills que l’on trouve en exclusivité chez nous est d’ailleurs en train de prendre le même chemin. La promesse du produit, c’est un acquis, cela tombe sous le sens. C’est le plaisir de l’application qui compte, le côté fun. Plus aucune maison n’y échappe. Une marque comme Clinique l’a d’ailleurs bien compris lorsqu’elle a lancé ses fameux Chubby Sticks.

Ce sont surtout des produits qui séduisent les plus jeunes, non ?

Elles sont la cible, c’est sûr, mais pas uniquement. Ces produits plaisent à toutes celles qui ont un rapport beaucoup plus décomplexé au maquillage. Le make-up est toujours un reflet de l’air du temps et le non-make-up aussi d’ailleurs. Nous vivons dans un monde où la sensibilité artistique s’est considérablement développée. L’art est plus accessible, les frontières sont beaucoup moins claires. On a maintenant, à Bruxelles, un musée du street art. Et tout cela se reflète aussi dans ces objets qui sont souvent multiusages. Le but n’est jamais de détourner pour détourner, même si cela rencontre les préoccupations de la génération actuelle qui aime s’affranchir des codes.

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