Cosmétique éthique: des produits qui préservent la faune et font du bien à la peau

1. Pinceau de maquillage en poils synthétiques, Close, à partir de 9,90 euros (disponible chez Planet Parfum). 2. Shampoing pour cheveux sensibles Botanicals Fresh Care Lavandin, L'Oréal Paris, 8,90 euros. 3. Sérum Age Control Super BioActive, Estelle & Thild, 54,90 euros les 30 ml (disponible chez Planet Parfum). 4. Premium Body Oil Bonsoir, RainPharma, 89 euros les 250 ml. 5. Fard à paupières Chocolat, Cent Pur Cent, 14,99 euros. 6. Coloration cheveux non permanente, Maria Nila, 26 euros les 300 ml (disponible en salon distributeur de la marque). 7. Huile visage, The Ritual of Namasté, Rituals, 32,50 euros les 30 ml. 8. Gommage au café, Rub, 13,90 euros les 100 g (disponible chez Makesenz). © PHOTOS : SDP / istock

Attentifs au contenu de leur assiette et de leur dressing, les végans évitent aussi toute matière animale dans leur vanity. Une minorité militante qui pèse de plus en plus sur les pratiques de l’industrie.

La mention vous a peut-être pris au dépourvu au rayon hygiène de votre supermarché. Non content de se revendiquer à 98 % d’origine naturelle, votre masque pour cheveux – baptisé Hair Food et emballé dans un pack aux allures de pot de crème glacée – est désormais aussi 100 % végan. Cet article, proposé par Fructis, l’une des franchises grand public du groupe L’Oréal, témoigne en tout cas de l’intérêt de l’industrie cosmétique pour un segment moins anecdotique qu’il n’y paraît. Si l’on se fie aux estimations, elles-mêmes extrapolées, du nombre supposé de végétariens dans le monde, moins de 1 % de la population mondiale serait aujourd’hui totalement végan. Difficile de croire donc – même si les chiffres sont en croissance constante – que ce micro-groupe de consommateurs constitue à lui seul la cible de cet argument marketing d’un nouveau genre.  » L’utilisation de matières premières véganes fait partie des leviers d’optimisation du profil environnemental de nos formules, au même titre que l’amélioration de la biodégradabilité, le sourçage durable et le recours à la chimie verte « , assure-t-on chez le géant français, qui promet d’ailleurs d’autres lancements du même type dans les semaines à venir. Déjà 100 % végétariennes et garanties sans tests sur les animaux, des marques comme Lush et The Body Shop multiplient également les références véganes et surtout le font savoir.

Si les labels  » vegan  » ou  » cruelty free  » apparaissent aujourd’hui sur de plus en plus d’étiquettes cosmétiques et plus seulement dans les griffes dites de niche, c’est que les valeurs prônées par le mouvement rencontrent à bien des égards les préoccupations d’une clientèle plus large, en quête de transparence et de naturalité. Deux mots-clés qui sont depuis quelques années déjà en train de reformater l’ensemble du secteur. Les scandales sanitaires des dernières décennies n’y sont pas étrangers – les ingrédients d’origine animale sont souvent des sous-produits de l’industrie agro-alimentaire – et surtout les avancées en biotechnologie ont permis aux leaders du marché de les remplacer par des substituts, souvent synthétiques, tout en prenant le contrôle de leur élaboration dans leurs laboratoires.

Le cas des abeilles

Cosmétique éthique: des produits qui préservent la faune et font du bien à la peau
© Getty Images/iStockphoto

 » Pour nous, tout cela va dans le bon sens, plaide Tanguy De Ripainsel, directeur général chez Planet Parfum. C’est une bonne chose que le client ait conscience de ce qu’il se met sur la peau et soit, comme pour son alimentation et ses vêtements, plus attentif à ce qu’il choisit, s’intéressant même à la provenance des ingrédients. C’est sain et cela oblige tous les acteurs à se remettre en question. La cruauté envers les animaux n’a plus sa place dans notre industrie. Notre nouvelle gamme de pinceaux, par exemple, n’utilise que des poils synthétiques, ce qui n’enlève rien à leur qualité. Je serais plus circonspect lorsque l’on parle de la suppression pure et simple d’autres ingrédients, comme la cire d’abeille notamment, sans avoir bien réfléchi à ce que l’on pourra utiliser comme substitut.  »

Un composant qui, quasiment incontournable dès que l’on parle de sticks mais également de baumes nourrissants, est à coup sûr de ceux qui divisent les végans intègres et les défenseurs de la cosmétique naturelle refusant de se priver de ses bienfaits.  » C’est la seule matière première d’origine animale subsistant encore dans nos formules qui sont aujourd’hui à 88 % véganes, pointe Christine Delfaut Sara, en charge de la communication internationale chez Yves Rocher. Et il ne s’agit que d’une sécrétion. Même dans nos maquillages, nous nous sommes interdits le carmin de cochenille car nous avons toujours eu la cause animale à coeur, pas sur le seul spectre du produit mais plus largement via l’attention que nous portons aux écosystèmes dans lesquels nous avons développé nos activités.  »

Dans le même ordre d’idées, Rituals a préféré se contenter du label  » vegan friendly  » pour chapeauter sa nouvelle ligne de soins visage 100 % naturels : seuls deux compositions sur les quarante que compte l’assortiment complet ne sont pas totalement véganes, car elles contiennent, elles aussi, de la cire d’abeille.  » Nous l’avons conservée dans deux baumes parce que nous sommes convaincus qu’elle est bonne pour la peau, justifie Niki Kauffmann-Schilling, directrice innovation et durabilité. Et les insectes ne sont pas blessés lors des processus de récolte. C’est important pour nous d’oser exprimer nos convictions. Se profiler comme végan n’est pas l’objectif de notre entreprise mais un plus qui accompagne notre souci de proposer des soins toujours plus naturels. Nous voulons respecter la nature et les animaux tout en en tirant le meilleur dans le cadre d’un sourçage durable.  »

Objectif zéro cruauté

Installée depuis sept ans déjà dans le quartier de la place du Châtelain, à Bruxelles, Sophie Trenteseaux, fondatrice de la marque de cosmétiques bio Makesenz, a choisi pour sa part de modifier l’unique formule qui contenait de la cire afin d’obtenir la certification PETA, l’une des plus strictes du secteur.  » L’engouement actuel pour la cosmétique naturelle est indéniable, constate l’entrepreneuse bruxelloise. Mais à côté de celles qui poussent la porte du magasin parce qu’elles sont certaines que c’est meilleur pour leur peau, je vois apparaître deux nouveaux profils, pas nécessairement distincts d’ailleurs, intéressés par le véganisme et tout ce qui touche à la vague zéro déchet.  » La cible est jeune, féminine, plutôt aisée et particulièrement bien informée, notamment via les blogs et les chaînes YouTube d’influenceuses spécialisées, en grande majorité installées à New York ou en Californie.

C’est également des Etats-Unis, à la pointe sur ce créneau, que viennent la plupart des références véganes vendues chez Labelchic, le nouveau boudoir urbain qui s’est ouvert depuis quelques mois au centre de la capitale, dans la rue Dansaert.  » Les femmes sont en quête de plus de transparence, avance Océane Taquoi, directrice de la boutique et consultante spécialisée dans les cosmétiques. Elles sont plus éduquées, plus aguerries, elles savent lire une liste d’ingrédients, connaissent ceux qu’elles doivent éviter et ceux qui leur conviennent. Elles veulent plus de clarté, plus d’honnêteté dans les formules et dans la fabrication. Pour les marques qui se lancent aujourd’hui, travailler avec des composants naturels, sans OGM, c’est intrinsèque à leurs valeurs, ce n’est pas du marketing. Faire le choix d’être végan, c’est un peu le corollaire de ce qui précède, ce n’est même plus une question à se poser. C’est une donnée de base qui intervient dès le début du processus de fabrication.  » Comme le souligne par ailleurs Isabel Coppens, cofondatrice de la marque belge Cîme (lire ci-dessous), tout juste récompensée par la Fondation Roi Baudouin, ce qui attire également de nombreux consommateurs vers les soins végans, même s’ils ne le sont pas eux-mêmes, c’est l’assurance d’acheter des cosmétiques  » zéro cruauté « . Une démarche qui les pousse sans doute aussi à faire davantage confiance à des petits labels qui contrôlent toutes les étapes de leur production et ne l’exportent pas encore dans les pays où les valeurs environnementales ou éthiques ne sont pas primordiales.

Cîme au sommet

Cosmétique éthique: des produits qui préservent la faune et font du bien à la peau
© STUDIO NUNU

Cosmétique éthique: des produits qui préservent la faune et font du bien à la peau
© STUDIO NUNU

A la manière de monsieur Jourdain qui, dans Le bourgeois gentilhomme de Molière,  » faisait de la prose sans le savoir « , Isabel Coppens et Anke De Boeck, cofondatrices de Cîme, marque lauréate du Prix Lionel Vandenbossche décerné par la Fondation Roi Baudouin aux entrepreneurs innovants, n’ont découvert qu’a posteriori que leurs produits étaient végans.  » Cela n’a jamais été un but en soi, insiste la première, et à choisir nous privilégierons toujours la naturalité.  » Lorsqu’elles quittent toutes deux leur travail d’avocates dans un cabinet international, leur souhait est de lancer une marque bio, à base de superaliments tous issus de l’Himalaya. Des composants cultivés et distillés par des paysans népalais qu’elles soutiennent également en leur rétrocédant une partie du prix de vente de chaque produit. Tout l’assortiment, à l’exception d’un baume à lèvres en cours de reformulation, est aujourd’hui certifié végan. Les 7 500 euros qu’elles viennent de recevoir de la Fondation les aideront, entre autres, à mener à bien des recherches de nouveaux ingrédients végétaux avec leurs partenaires locaux.

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